MiCA : Pourquoi la France n'a-t-elle encore délivré qu'une seule licence ?
MiCA n’est plus une promesse, c’est désormais une réalité. Depuis le 30 décembre 2024, la première réglementation encadrant les cryptos à échelle européenne impose une licence unique pour opérer. Alors que certains pays multiplient déjà les agréments, la France avance prudemment - et ce n’est pas un hasard.

Contexte : Les licences MiCA bientôt obligatoires
Le 30 décembre dernier, la réglementation MiCA (pour «Markets in Crypto-Assets ») est entrée en pleine application au sein de l'Union européenne, avec pour principal objectif d'harmoniser le cadre réglementaire pour les crypto-actifs. À terme, il sera également applicable au sein de l'Espace économique européen (EEE), lorsque les pays concernés l'auront adopté, c'est-à-dire l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein.
Adopté en 2023 dans le sillage du Digital Finance Package, MiCA vise à encadrer les crypto-actifs qui échappaient jusqu'alors aux régulations financières existantes, en instaurant des règles communes pour toute l'UE et en renforçant la protection des investisseurs. Ce texte, élaboré notamment après des scandales retentissants (comme la faillite de FTX fin 2022) ayant souligné les risques du secteur, s'inspire en partie du modèle français de la loi PACTE de 2019.
Concrètement, MiCA couvre plusieurs volets clés du marché des actifs numériques : l'émission de crypto-actifs, les offres au public et admissions à la négociation sur ces actifs, ainsi que la fourniture de certains services par les intermédiaires spécialisés. Il introduit également des dispositions pour prévenir les abus de marché (délits d'initié, manipulation) sur les cryptomonnaies. Ce nouveau règlement remplace les cadres nationaux existants - par exemple, en France, le régime établi par la loi PACTE pour les ICO et les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) est appelé à disparaître au profit de MiCA.
Surtout, MiCA impose désormais un agrément (licence) obligatoire pour tout prestataire de services sur crypto-actifs (désignés PSCA en France) qui opère dans l'UE. Une fois autorisés selon ce nouveau régime, les prestataires pourront bénéficier du passeport européen, c'est-à-dire la possibilité d'exercer librement dans l'ensemble des États membres sans démarches supplémentaires.
L'unification réglementaire vise ainsi à favoriser l'innovation en créant un marché unique des crypto-actifs tout en évitant l'arbitrage réglementaire entre pays et en garantissant un socle commun de garanties pour les utilisateurs (informations claires, mise en garde sur les risques, exigences prudentielles minimales, etc.). Un cadre que nous envient aujourd'hui les régulateurs autour du monde, selon Anne Maréchal du cabinet De Gaulle Fleurance, qui a notamment accompagné Circle pour qu'il devienne le premier émetteur de stablecoins au monde conforme à MiCA :
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Les projets de textes sur les stablecoins en discussion aux États-Unis sont inspirés du règlement européen MiCA. Les États-Unis ont un droit financier très strictement encadré. Pourquoi accepteraient- ils que le monde de la crypto soit une jungle ? Il semble donc plus que probable que les Etats-Unis comme le Royaume-Uni, voire beaucoup d‘autres pays tiers, vont vouloir se doter d’une réglementation proche de MICA. La France et l’Europe se sont dotés très tôt d’une règlementation adaptée aux crypto-actifs, ce qui a conféré un réel avantage compétitif au secteur en lui permettant de s’assainir. MiCA n’est sans doute pas un texte parfait, mais il fonctionne parce qu’il contient les garanties principales. Il faut donc cesser de s'en plaindre et se hâter de demander cet agrément car le marché, en se régulant, va se restructurer rapidement.
Notons que certaines activités sont exclues du champ de MiCA : par exemple, les NFT (tokens non fongibles) et la finance décentralisée (DeFi) sans intermédiaire ne sont pas directement soumis à ce règlement.
Commencez votre aventure crypto avec notre guide pas-à-pasUne période de transition variant d'un pays à l'autre
Bien que le règlement MiCA soit entré formellement en vigueur en juin 2023, son application s'est faite de manière progressive. Les premières dispositions - notamment celles concernant les stablecoins - se sont appliquées dès le 30 juin 2024, tandis que l'essentiel du régime, en particulier l'autorisation des prestataires de services crypto, n'est pleinement applicable que depuis le 30 décembre 2024.
Autrement dit, depuis ce début d'année 2025, toute entreprise crypto souhaitant servir des clients en Europe doit en principe disposer d'un agrément MiCA valide ou entrer dans un régime transitoire approprié. Pour éviter une rupture brutale, MiCA prévoit en effet une période transitoire pouvant aller jusqu'à 18 mois après son entrée en application.
Durant cette période, les acteurs déjà en activité avant l'entrée en vigueur peuvent continuer à opérer sous leur régime national antérieur, en attendant d'obtenir (ou non) le nouvel agrément européen.
Cependant, cette période d'adaptation n'est pas uniforme dans tous les pays de l'UE : chaque État membre a la faculté de l'écourter. Par exemple, la France a choisi d'appliquer la pleine période de 18 mois, repoussant ainsi l'obligation d'agrément MiCA au 30 juin 2026 pour les prestataires enregistrés ou agréés localement avant fin 2024.
À l'inverse, certains pays ont opté pour une transition plus courte : les Pays-Bas ont fixé l'échéance au 30 juin 2025 (soit seulement 6 mois de transition), et la Lituanie même au 1er juin 2025, tandis que d'autres, comme l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie ou l'Espagne, ont retenu une période d'environ 12 mois (soit jusqu'à fin 2025).
Cette disparité oblige les entreprises crypto opérant dans plusieurs pays à composer avec des calendriers de mise en conformité différents selon les juridictions. L'Autorité européenne des marchés (ESMA) a d'ailleurs recommandé de ne pas prolonger excessivement ces « droits acquis » et de limiter la transition à un an pour harmoniser le rythme.
La France est-elle vraiment en retard sur les licences MiCA ?
Ce sont précisément ces différents délais d'adaptation qui font que chaque pays est plus ou moins pressé pour délivrer sa licence PSCA. C'est pourquoi nous observons aujourd'hui une certaine disparité dans le nombre de licences délivrées à travers l'UE, notamment en France.
Toutefois, il convient de noter que certains pays ont délivré ces licences alors même que l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) n'avait pas encore publié tous les textes qui y sont relatifs.
Ainsi, certaines entreprises, qui a priori auraient gagné du temps sur leurs concurrents, pourraient finalement se retrouver bloquées dans certains pays de l'UE :
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À mes yeux, c'est dangereux. L’ESMA avait d’ailleurs mis en garde contre le « forum shoping » auprès de certains régulateurs. L’Europe doit présenter un paysage réglementaire homogène et les garanties fournies par l’obtention de l’agrément MICA , essentielles à la protection des investisseurs, ne doivent pas être bradées. La confiance dans la finance résulte de la réglementation. Or des agréments MICA ont été délivrés avant même que tous les RTS ne soient sortis, en quelques semaines, accordant des « pré-autorisations » non prévues par le texte ! Cela n’est pas sérieux et pourrait entrainer des conséquences dommageables pour ceux qui se seraient laissé tenter par un agrément « au rabais » : l'article 102 du règlement donne d’ailleurs des moyens d’actions aux États membres qui constateraient un non-respect de la réglementation sur leur sol malgré le passeport, et des contrôles pourraient déboucher sur des sanctions pécuniaires lourdes.
« Nous nous coordonnons très étroitement avec nos collègues européens, pour éviter que l’absence de compétence directe de l’ESMA ne se traduise par une course au moins-disant règlementaire au détriment de l’investisseur » déclarait d'ailleurs Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'AMF, lors d'une conférence de presse tenue le 26 mai dernier.
Dans l'Hexagone, l'AMF est connue pour être rigoureuse et, d'ailleurs, elle a clairement affirmé qu'elle attendait que l'ESMA ait publié tous ses textes d'application avant de délivrer des agréments. C'est l'une des raisons pour lesquelles obtenir une licence en France est gage de qualité et de sérieux pour un acteur crypto.
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Dans la finance, ce qui fait la confiance, c'est la réglementation. Rien d'autre. Être agréé PSCA ou EME [émetteur de monnaie électronique, ndlr] en France, ça veut dire quelque chose. Ça montre au monde entier que vous êtes sérieux.
En France, grâce à la fenêtre de 18 mois, les acteurs enregistrés sous le régime PSAN (via l'AMF) disposent d'un délai confortable pour déposer leur demande et obtenir l'agrément MiCA. Ce délai supplémentaire se veut un atout pour permettre aux entreprises sérieuses de se préparer aux nouvelles exigences sans interrompre leurs services. Autrement dit, il est « normal » que les entreprises déjà enregistrées ou agréées en tant que PSAN n'aient pas encore leur licence PSCA.
Il est intéressant de souligner qu'aujourd'hui, en mai 2025, très peu d'autorisations MiCA ont été délivrées. En France par exemple, l'Autorité des marchés financiers n'a octroyé qu'un seul agrément MiCA : celui de la néobanque Deblock le mois dernier. « D'autres viendront dans les semaines et mois qui viennent, » assure Stéphane Pontoizeau, directeur de la supervision des intermédiaires et des infrastructures de marchés à l'AMF.
Ce nombre restreint s'explique par la nouveauté du dispositif et la rigueur du processus d'examen, mais aussi par le fait que de nombreux prestataires tirent pour l'instant parti de la période transitoire pour peaufiner leur dossier. Par ailleurs, la France a perdu du temps en se concentrant sur le régime renforcé plutôt que sur la transition vers MiCA.
Néanmoins, il ne faudra pas attendre la dernière minute : au 30 juin 2026, plus aucune tolérance ne sera accordée et seuls les prestataires dûment agréés pourront continuer leurs activités. Le compte à rebours est donc enclenché pour les acteurs français comme européens.
Nous remercions chaleureusement Anne Maréchal du cabinet De Gaulle Fleurance pour ses réponses.
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